J'suis la fille d'un brigand
J'suis la fille d'un corsaire
J'vais par mers et par vents
Faire la terre buissonnière
Plutôt pirate, peut-être viking
J'ai peur de rien sauf des rivages
J'me bats en mer comme sur un ring
Tout l'monde m'appelle la Fleur du Large
Et à la mer comme à la mer
Je hisse ma vie, ça tourne la tête
J'suis cap'taine au long courant d'air
J'sème le vent et j'parle aux tempêtes
Sans cesse barrer, sans cesse partir
J'ai compris qu'faut être toujours prête
Que bon vent ne saurait mentir
Qu'la Liberté s'apprend sans Maître
J'me fous bien, si j'me noie, que l'eau soit bonne ou pas
S'il y a un temps pour tout, j'en veux du gros pour moi
Et j'me pousse en dérive toujours la plage au ventre
Loin des îles, trop faciles, sur la j'tée, j'jette pas l'ancre
Avec moi le déluge, je suis toute au naufrage
Sur mon radeau j'méduse les hommes d'équipage
Et leur cargo prend l'opinion publique qui parque
Leur morale bateau contre qui mène sa barque
Et sans fin, j'carapate de frégate en galère
Je ne suis que pirate et qu'une aventurière
J'suis la fille d'un bandit
J'suis la fille d'un corsaire
Les hommes, quand je les fuis
M'appellent la Sorcière...
Mais moi, j'les r'fuse à cur perdu
Ces faux mutins qui s'veulent mutants
Qui pour ma fleur, m'montrent leurs écus
Pour m'payer en amants contents
Trop fière pour leur servir d'joujou
Qui geint quand eux ne le sont pas
Fille soumise mise sous un homme saoul
Bobonne à rien et bon appât
Et eux qu'essayent de me séduire
S'contentent, et tentent de m'mettre en cage
Moi comme château, j'vois qu'mon navire
Comme bijoux, j'veux qu'les coquillages
Et dès que je pose pied sur c'bout d'terre, terre à terre
Je deviens miss Anguille et je me fais mystère
J'suis toute à la rivière, comme une carpe j'fais la muette
Dès qui m'jettent à la joue leurs pauvres embruns d'causette
Mais je n'leur donne rien, je reste dans ma coquille
Et eux, qui m'postillonnent leur triste embrun d'ennui
Ils méprisent, ils médisent, et bien sûr m'crachent dessus
Ça les distrait d'leur vie, d'leur pauvre gagne-pain perdu
Et toujours je dois fuir leur morale des terres
Dardant vers l'horizon mon corsage de corsaire
J'suis la fille d'un pochard
J'suis la fille d'un pochtron
J'suis qu'une serveuse de bar
Mes voiles, c'est mon torchon...
C'est toujours drôle une fille d'corsaire
Qu'on peut faire chanter au pourboire
Une fille qui n'sert qu'à s'laisser faire
Tant qu'y a d'la vinasse, y a d'l'espoir
Mais faut bien nourrir mon pirate
Celui qui tangue de bar en bar
Et contre un sucre, v'là qu'j'donne la patte
Pour payer l'verre où il s'amarre
Et j'reste là, la mer dans l'âme
L'ancre jetée sur le comptoir
J'le vois se noyer dans une larme
Du fond d'son verre, d'sa mort à boire
Je n'suis qu'une fille de peine, je n'suis qu'une fille de joie
Car l'ivrogne devient prince quand le client est roi
Et chaque soir, je taquine, je coquine et mutine
Pour gagner les bonnes graisses de ces marins d'cuisine
Mais qu'un jour vienne au port le corsaire que j'attends
Pour qu'enfin je puisse en avoir pour mon amant
Que ces moussaillons voient qu'c'est une autre paire de hanches
Que celles qui les menaient au fond de leurs nuits blanches
Il s'ra mon capitaine par mon seul commandement
Et j'arrêterai enfin d'vivre de l'erreur du temps
J's'rai la femme d'un brigand
J's'rai la femme d'un corsaire
Fleur du Large en plein vent
J'f'rai la terre buissonnière
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